Cancerologie | Nutrition
Rôle préventif majeur de l’alimentation et la nutrition
Depuis un certain nombre d’années, on assiste à une prise de conscience générale du lien majeur entre la nutrition et l’état de santé de la population.
Le rôle de la nutrition (alliance de l’alimentation et de l’activité physique) sur la prévention, la protection ou l’amélioration de la santé des individus est désormais reconnu et de mieux en mieux compris. Il apparait aujourd’hui évident que les choix de l’alimentation et du mode de vie constituent des facteurs clefs de protection, ou au contraire, de risques de développer des pathologies comme les maladies cardiovasculaires ou les cancers.
Parallèlement, malgré le développement de méthodes de diagnostic plus précoce des cancers et l’apparition de traitements plus efficaces, l’incidence du cancer s’est profondément étendue en partie en raison de l’essor démographique, du vieillissement de la population et aussi de l’amélioration du dépistage de certains cancers.
C’est pourquoi, dès les années 2000, la France a déployé une politique nutritionnelle, à titre de priorité de santé publique. Des plans et des programmes de santé publique ont été lancés pour sensibiliser les individus et les encourager à adopter des comportements et certaines habitudes alimentaires favorables à la réduction des risques vis-à-vis des cancers. Les plus connus sont :
- Le PNNS (Programme National Nutrition Santé) mis en place dès 2001 pour améliorer l’état de santé des Français en agissant sur l’un de ses déterminants principal : la nutrition. L’accent est porté sur ce domaine en particulier parce que c’est un facteur porteur de progrès sur lequel il est possible d’agir autant collectivement qu’individuellement.
- Dès 2003, l’Etat a mis en œuvre le Plan National de Lutte contre le Cancer, dispositif clef en termes de prévention.
La prise en charge alimentaire des patients
A chaque phase de traitement de la maladie et selon son évolution, le patient va devoir faire face aux nombreux effets secondaires associés qui vont attaquer son organisme et notamment son système digestif. Une surveillance régulière de son état nutritionnel va devenir essentielle pour sa guérison future et éviter de fragiliser davantage son organisme par une perte de poids, la menace de carences nutritionnelles…
Pour cette raison, la prise en charge de la maladie implique obligatoirement une vigilance de chaque instant du bon état nutritionnel du patient. La coopération et la collaboration entre les équipes médicales et de cuisine s'avèrent primordiales pour pallier les problématiques alimentaires engendrées par le cancer et les traitements. Une perte d’appétit peut modifier la perception des goûts, entraîner des désordres d’ordre digestif et menacer de troubles alimentaires fragilisant encore davantage l’organisme du malade.
Des solutions existent pour identifier les sources des problèmes, permettre à l’individu atteint par un cancer de garder le plaisir de manger en choisissant les aliments qui lui conviennent le mieux et en supprimant ceux qui accentuent les intolérances.
Au sein des établissements médicaux, l’équipe soignante a une mission de recommandations alimentaires adaptées à chaque situation auprès des équipes de cuisine. Cela permet ainsi de proposer une alimentation équilibrée et adaptée en fonction des traitements tout en tenant compte des goûts, habitudes alimentaires et contraintes imposées par l’état de santé du patient.
L’enjeu pour toutes les équipes en charge des patients est de maintenir l’organisme dans un bon équilibre, que ce soit pendant ou après le traitement du cancer.
Les réponses alimentaires aux effets secondaires des traitements
Le rôle majeur de l’alimentation et de la nutrition dans la prise en charge médicale du patient est évident et place l’équipe de restauration de l’établissement hospitalier au cœur du processus au même titre que l’équipe soignante.
Afin de pallier les effets secondaires des traitements touchant l’organisme, un programme de prise en charge alimentaire s’impose et sera élaboré conjointement par les équipes qui sont unis dans cette course à la guérison.
Ainsi, la diététicienne décline des menus pour proposer un accompagnement alimentaire prenant en compte les recommandations de l’équipe médicale. Elle collabore avec l’équipe de cuisine pour la réalisation de recettes adaptées au type de cancer, au traitement et au patient.
Pour répondre au mieux aux problématiques alimentaires liées aux traitements et types de cancer, un certain nombre d’adaptations sont recommandées.
Après intervention chirurgicale et ablation totale ou partielle de la tumeur :
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Si la localisation est la bouche, le pharynx ou l’œsophage, il sera nécessaire de mettre en place un protocole de réalimentation sous forme de textures liquides, mixées ou hachées (légumes consommés en purée, fruits en compote…) car le patient ne sera plus en capacité d’ absorber les aliments solides et il faudra du temps pour revenir à une alimentation normale.
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Si c’est l’estomac qui est touché, il faudra envisager un fractionnement des repas (sous forme de collations répétées dans la journée) et un régime pauvre en fibres.
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En cas de colostomie, le régime dépendra du transit intestinal du patient : protocole anti-diarrhéique ou contre la constipation.
En cours ou après une radiothérapie : la conséquence directe est une inflammation des tissus irradiés avec des réactions d’intensité variable en fonction de la localisation du cancer :
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Région cervicale et thoracique : le malade a des difficultés pour avaler, mastiquer les aliments solides, son goût est modifié… Plusieurs recommandations seront envisagées : fractionnement des repas, proposer des textures modifiées, des recettes adoucies en évitant les épices…, en cas d’assèchement des glandes salivaires : boire régulièrement par petites gorgées…
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Région abdominale et du petit bassin : les organes de la digestion (estomac + intestin) sont directement touchés : déclinaisons pauvres en fibres, programme anti diarrhéique…
La chimiothérapie est le traitement qui engendre le plus grand nombre d’effets secondaires :
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Perte d’appétit (dû à la fatigue, les douleurs, la prise de certains médicaments, l’anxiété, la maladie) et perte de poids associée : des compléments nutritionnels seront proposés (boissons lactées aromatisées à divers parfums riches en protides et calories, crèmes desserts, potages…). Dans ce cas, il sera préférable de manger en 6 à 8 reprises par jour en petites quantités, choisir ses aliments préférés, favoriser la convivialité en évitant de manger seul, pour mieux apprécier les aliments : se rincer régulièrement la bouche à l’aide d’une boisson gazeuse acidulée….
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Vomissements abondants : des médicaments anti vomitifs seront prescrits et il sera impératif de penser à la réhydratation (boissons fraîches, bouillon salé…)
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Les nausées : il est recommandé d’éloigner toujours les repas des séances de traitement, favoriser une alimentation nocturne ou encore les petits-déjeuners qui sont mieux tolérés, le recours à des aliments lisses et épais à la place des aliments en morceaux qui augmentent le brassage de l’estomac et l’envie de vomir…
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Perturbation de l’odorat et du goût : une altération ou modification de la perception de la saveur des aliments peut avoir lieu au cours de certains traitements. A titre d’exemple, on proposera des aliments forts en goût (fromages fermentés, poisson ou jambon fumés…), on utilisera des herbes aromatiques (thym, échalotes,…) des épices, aromates … pour les patients qui trouvent les repas fades ou à l’inverse des repas froids (salades composées…) pour ceux qui sont écœurés.
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Aphtes buccaux, mucites buccale, pharyngée ou œsophagienne : en plus des bains de bouche, favoriser une alimentation non acide, non épicée, pauvre en sel et sucre, crémeuse et onctueuse…
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Diarrhée : éviter la déshydratation en buvant régulièrement de petites quantités de liquide de préférence salées (bouillon de légumes, eau minérale…), choisir des aliments « constipants » comme le riz, et diminuer les aliments riches en fibres.
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Chute des globules blancs : la vigilance en termes de sécurité alimentaire (désinfection, cuisson…), la suppression des aliments à risque (produits laitiers non stérilisés, viande crue et saignante…), l’exclusion des aliments en poudre… deviennent indispensables.
L’hormonothérapie peut entraîner une prise de poids excessive et nécessiter un accompagnement diététique spécifique (déclinaisons sans sel pour les patients soignés avec des dérivés de la cortisone…).
Pour les soins de fin de vie, la priorité est de procurer du bien-être au malade, de lui proposer une alimentation répondant à ses souhaits et adaptée à la gravité de son état.
L’alimentation orale, qui reste un des derniers moments de plaisir, sera conservée le plus longtemps possible. Dans le cas où le patient ne peut plus s’alimenter, il bénéficiera de soins adaptés en établissement. L’équipe médicale optera soit pour une alimentation ENTERALE (introduction d’un aliment (mixé) par une sonde directement dans le tube digestif) ou PARENTERALE (alimentation artificielle par voie intraveineuse).
La restauration en cancérologie requiert une adaptation permanente aux évolutions des cancers. Il est impératif de former les équipes de cuisine aux connaissances des aliments et de leur choix en fonction des troubles des patients et de leur état nutritionnel. Il est aussi important de les initier aux méthodes et techniques culinaires (textures modifiées...) innovantes pour proposer des prestations à la carte personnalisées aux besoins spécifiques de chaque patient.